Okinawa est le lieu de naissance du karaté. Trois des principaux styles prirent le nom des localités où habitaient les experts qui les représentaient. Le plus prestigieux, le shuri-te, avait pris le nom de la capitale royale des Ryù Kyù, Shuri. Il est vrai que les experts du shuri-te occupaient les fonctions de chef de la garde (Matsumura), secrétaire au Palais (Itosu), Grand Chambellan (Kyan).
Les deux autres styles, le naha-te et le tomari-te furent baptisé du nom de deux localités adjacentes à Shuri : Tomari, le port ouvert sur la Chine, et Naha, la cité marchande.
Les distances entre ces trois villes étaient peu importantes. Cependant, à la fin du XIXème siècle, les déplacements n'étaient pas aisés :ils se faisaient à pied. Le voyageur devait franchir des bras de mer, ou la rivière Asato, un cours d'eau côtier. Actuellement, la ville de Naha (350 000 habitants) est devenu le centre économique et commerçant de l'île et a absorbé les deux autres villages. Ils existent en tant que quartier de Naha.
Près de 240 dojos sont répertoriés à Okinawa. Une grande majorité d'entre eux sont situés à Naha. Certains, comme le Jundokan sont fréquentés par les occidentaux depuis plusieurs années : Bernard Cousin fut l'un des premiers français à y séjourner durant plusieurs semaines en décembre 1976.
Cependant, il existe de nombreux dojos familiaux un peu partout dans la ville. Pour les repérer, il faut s'exercer à reconnaître les idéogramme de Kara et Te peints sur les murs ou les enseignes. Introduit par Miguel Da Luz, nous avons eu l'opportunité de visiter un dojo familial, le Shubukan.
Lorsque nous nous présentons, la nuit tropicale est déjà tombée. Le dojo se trouve au dernier étage d'un immeuble récent. Nous y accédons par un escalier extérieur. Alors que nous montons, nous pouvons apprécier la fraicheur d'une brise inexistante au niveau de la rue.
82 Katas
Le cours est commencé. Il est dirigé par le patriarche de l'école, Joki Uema, 10ème dan, 88 ans. Tous les mercredis, il monte au dojo pour s'assurer que les katas de son école sont correctement exécutés. Et des katas, au Shubukan, il y en a !
44 en karaté et 38 en kobudo.
La réalité n'est pas aussi complexe que le laisse supposer ces nombres. Le programme comprend de nombreux katas de bases : 5 kihon gata (qui ressemblent aux Taikyoku) 5 Pinan (Heian), 2 Fukyu gata et les 2 Gekisai.
Pour les autres katas, les différentes variantes de Kusanku et de Bassai (Passai) sont pratiquées. Dans l'école Uema, à partir d'un certain niveau, on n'apprend pas véritablement de nouveaux katas : on approfondit des katas connus, on cherche à comprendre leur intérêt, leur évolution, leur histoire et à travers eux l'histoire du karaté.
Nous entrons dans le dojo après nous être déchaussés à l'extérieur, comme dans tous les dojos okinawaïens. Miguel présente Bernard à Yasuhiro Uema, le fils, 9ème dan, 69 ans. Après avoir échangé leur carte de visite, nous nous installons en seiza au fond du dojo. Y. Uema présente ensuite Bernard à son père.
Quinze élèves sont à l'entraînement : 7 Okinawaïens, mais aussi 7 Tchèques et un Suisse.
L'atmosphère est étouffante. L'ambiance est particulière aux dojos okinawaïens.
Uema Joki sensei dirige le cours. Les élèves enchaînent les katas à tour de rôle, selon leurs connaissances; en effet le dojo est trop petit pour que tous pratiquent ensemble.
Lors des pauses, ils en profitent pour prendre l'air sur un petit balcon. Un nouvel arrivant entre, vêtu de son karategi. Il salue puis s'échauffe au makiwara.
Uema Takeshi, le petit-fils du patriarche, nous sert de l'eau fraîche. Nous échangeons quelques mots en français. Il a passé plusieurs semaines en Suisse, pour enseigner le Shôrin.
Trois anciens exécutent quelques katas de bô. L'école enseigne le kobudo, le travail des armes : le bô, les sai, les tunfa, le nunchaku, mais aussi des armes moins courantes comme l'eku (une rame) et les kama (des faucilles).
Parfois des katas supérieurs; Jitte qui diffère peu de la forme enseignée en Shôtôkan. Je remarque que les quelques différences rendent les bunkai (applications avec partenaires) beaucoup plus accessibles et compréhensibles.
Gojushiho (Gojushiho dai en Shôtôkan). Certains passages en équilibre sur un pied, avec l'autre jambe qui fait balancier ne sont pas sans nous rappeler la démarche hésitante d'un homme qui a trop bu. Gojushiho vient d'un taolu enseigné dans une école de boxe chinoise, appelée boxe de l'homme ivre. Nous avons pu en avoir un aperçu à travers certains films de Jacky Chan (Combats de Maîtres).
Au bout d'une heure, nous nous éclipsons discrètement, après les remerciements d'usage : Domo aligato gozeimas sensei !
Le DVD de l'école de karaté Shôrin est en vente à l'adresse suivante : DVD Shubukan
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